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Paris 2024 : Anastasiia Kirpichnikova, nageuse dans les remous géopolitiques après être passée sous pavillon français

Elle ne quitte jamais ses boucles d’oreilles en forme d’anneaux olympiques, même quand elle nage. Ils hantent ses jours et ses nuits depuis qu’elle a commencé, à l’âge de 7 ans, à avaler les longueurs dans un bassin défraîchi d’Asbest, petite ville industrielle de l’Oural où elle est née.
Sauf blessure, elle compte bien les arborer à Paris, à l’occasion des Jeux olympiques (26 juillet-11 août). « J’espère que je gagnerai une médaille pour tous les Français qui croient en moi », lance Anastasiia Kirpichnikova au Monde. Car, entre-temps, la jeune femme de 23 ans a changé l’ordre et le sens des couleurs du drapeau tricolore, sur son bonnet.
Le 21 avril 2023, elle était naturalisée française par un décret publié au Journal officiel. « J’ai hésité pendant longtemps, c’est une décision difficile », dit la nageuse, rencontrée début mars sous le soleil de Martigues (Bouches-du-Rhône), où elle s’entraîne avec Philippe Lucas. « Mais une carrière, ça ne dure pas longtemps, et à un moment donné, comme la Russie n’était pas autorisée à nager aux championnats du monde en 2023, j’ai dit : fini », ajoute-t-elle dans un français de moins en moins hésitant.
Pour Philippe Lucas, celle qui est son élève depuis 2019 n’a pas vraiment eu le choix : « Autrement, y avait aucun espoir. Si c’est pour s’entraîner pour faire les championnats et les meetings de Russie, vaut mieux arrêter !, insiste le coach, fidèle à son look et à son franc-parler. La Fédération [française de natation] a bien pris les choses en main, et c’est allé très vite. »
L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022 – et la mise au ban dans la foulée des sportifs russes et biélorusses – a stoppé net la carrière de la nageuse. Spécialiste du demi-fond, Anastasiia Kirpichnikova venait de décrocher, en petit bassin, trois médailles d’or aux championnats d’Europe (sur 400 m, 800 m, 1 500 m nage libre) et une d’argent aux Mondiaux d’Abou Dhabi sur 800 m, en 2021.
Pendant deux ans, Anastasiia Kirpichnikova regarde ses camarades d’entraînement boucler leurs valises alors qu’elle reste à quai, avalant consciencieusement ses 85 kilomètres hebdomadaires. « Quand les compétitions arrivaient, c’était dur dans la tête, parce que je travaillais bien. Je n’ai jamais arrêté l’entraînement, j’étais ici, à Martigues, tous les jours. Mais c’est pas grave… », dit-elle en passant, comme si cette période était déjà loin.
Celle qui vient de rejoindre les rangs de la police nationale concède simplement avoir « beaucoup pleuré à l’entraînement », reconnaissante envers Philippe Lucas de l’avoir soutenue à bout de bras pendant cette période-là. « Je crois en elle. Si je pensais que son potentiel était limité, j’aurais dit : “Retourne en Russie, te casse pas le cul, ça sert à rien” », lâche-t-il crûment. Lors de ses premiers Mondiaux en grand bassin sous les couleurs de la France, en juillet 2023 à Fukuoka (Japon), sa protégée a effacé le vieux record de son ancienne élève Laure Manaudou sur 1 500 m (15 min 48 s 53 contre 16 min 3 s 1), échouant au pied du podium.
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